Le 5 juin 2024, Marine Le Pen déclarait sur BFM TV, à quelques jours des élections européennes : 'je veux arrêter les énergies renouvelables parce que ce que vous appelez énergie renouvelable n'est pas propre et n'est pas renouvelable et en plus c'est alternatif, et ne fonctionnent réellement que si elles sont associées à du gaz ou à du charbon, donc ça me parait être une très mauvaise idée écologique et donc l'énergie financière doit être mise dans le nucléaire et non pas dans les éoliennes qui ont un temps de vie qui est assez réduit'. Quelques jours après, son parti le Rassemblement National (RN), remportait les élections européennes avec 31,37% des voix et 30 sièges au Parlement européen. Cela signifie-t-il que les Français veulent en majorité arrêter les énergies renouvelables pour passer au 100% nucléaire comme le prêche Marine Le Pen ? Marine Le Pen apporte-t-elle des critiques légitimes ou manipule-t-elle des faits pour servir un discours populiste ? C'est ce que nous cherchons à savoir ici, en vous proposant de déconstruire et de confronter les affirmations de Marine Le Pen à des données factuelles, et en leur apportant les nuances dont manquent de tels discours.
Mais avant tout, nous vous recommandons de lire notre article sur les programmes énergétiques des partis politiques français pour une remise en contexte : 'élections législatives 2024 en France : que proposent les candidats sur l'énergie ?'
L'énergie photovoltaïque : impact réel et conditions de recyclage
Marine Le Pen critique la propreté et la durabilité des énergies renouvelables sans préciser de quelles technologies elle parle. Prenons l’exemple du photovoltaïque. En Chine, la production de panneaux solaires a effectivement soulevé des préoccupations environnementales et sociales, notamment en raison des conditions de travail et des normes environnementales bien plus laxistes. Cependant, il est possible de produire des panneaux solaires de manière plus durable. En France, par exemple, l’entreprise Voltec Solar fabrique des panneaux quasiment 100% recyclables en Alsace. Globalement, les panneaux solaires sont recyclables entre 95 et 99%, et depuis 2014, les fabricants doivent reprendre gratuitement les équipements solaires en fin de vie.
La réalité derrière l'éolien : une fausse bonne idée ?
Les éoliennes, souvent visées par les critiques, n'émettent pas de CO2 lorsqu'elles produisent de l’électricité. Leur empreinte carbone provient principalement de leur fabrication, transport et recyclage. Selon une étude de l’ADEME, une éolienne terrestre émet en moyenne 12,7g de CO2 par kWh produit, comparé aux 490g du gaz fossile et 820g du charbon. Bien que la durée de vie d'une éolienne soit de 15 à 30 ans, ses composants principaux, tels que l'acier et le béton, sont recyclables à l’infini. Cependant, la résine des pales est aujourd'hui encore un défi, puisqu'elle ne permet pas le recyclage de celles-ci. Toutefois, de récentes innovations comme celles de Siemens Gamesa, leader mondial du secteur, a mis au point une nouvelle résine, facilement détachable des pâles permettant ainsi leur recyclage.
Intermittence et solutions de stockage : une réalité qui limite aujourd'hui le déploiement massif des énergies renouvelables
Le défis de l'intermittence
L'intermittence des énergies renouvelables, que Marine Le Pen critique, est un défi réel qui freine le développement des énergies renouvelables en France. En effet, l'éolien et le solaire ne produisent pas en continu, et leur capacité de production est limitée à environ 30% et 15% du temps, respectivement, en France. Cela oblige à disposer de sources d'énergie complémentaires ou de systèmes de stockage.
Innovations et cas d'étude
Si l'on observe ce qu'il se passe chez nos voisins européens, le Portugal a récemment réussi à alimenter 100% de son réseau électrique avec des renouvelables pendant 5 jours grâce à des conditions météorologiques favorables et une infrastructure hydroélectrique robuste. En Allemagne, la transition énergétique (Energiewende) a consisté à arrêter totalement le nucléaire, obligeant le pays à pallier avec des énergies fossiles, ce qui a entraîné une augmentation des émissions de CO2 de 1,1% en 2015. Toutefois, grâce au développement des infrastructures de production et aux échanges d’électricité avec ses voisins, l'Allemagne a réussi à réduire à nouveau ses émissions.
Le programme nucléaire de Marine Le Pen : une solution face à l’urgence climatique ?
Le nucléaire : une énergie bas carbone
Comparée aux autres modes de production, l'énergie nucléaire est effectivement bas carbone, émettant seulement quelques grammes de CO2 par kilowattheure produit, contre des centaines de grammes pour le charbon, le gaz ou le pétrole. À première vue, cela pourrait faire croire que le nucléaire est une solution idéale face à la crise climatique, cependant la question n'est pas si simple. Ci-dessous, un tableau récapitulatif de la quantité de CO2 émise par kilowattheure pour chaque source d'énergie (énergies fossiles et renouvelables confondues).
Comment atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 ? Cette question vous intéresse ? Lisez notre articles sur les 4 scénarios prospectifs de l'ADEME et découvrez les différentes solutions envisageables pour atteindre cet objectif.
Pourquoi le nucléaire n’est pas une solution miracle ?
Cependant, le nucléaire est trop lent pour répondre à l'urgence climatique. Selon le GIEC, il faut entre 10 et 19 ans en moyenne pour qu'une nouvelle centrale soit opérationnelle. Pendant cette période, les émissions de CO2 continuent de s'accumuler. Actuellement, le nucléaire n'évite que 2,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pour atteindre 10%, il faudrait démarrer un réacteur par semaine pendant 20 ans, un rythme irréaliste.
De plus, le nucléaire consomme énormément d'eau pour refroidir les réacteurs, et avec la crise climatique actuelle, le stress hydrique et les canicules se généralisent, limitant ainsi les options d'installation de nouvelles centrales. Rappelons-nous, par exemple, de la centrale du Blayais en Gironde qui avait frôlé la catastrophe en 1999 lorsque la tempête avait rompu la digue, inondant des installations de sûreté. Ces événements climatiques extrêmes devenant malheureusement de plus en plus fréquents, ce genre d'accidents risquent de se reproduire de plus en plus souvent à l'avenir.
Et si l'on regarde ce qu'il se passe dans le reste du monde, au Bangladesh par exemple, un pays gravement affecté par les inondations, une centrale nucléaire est en construction dans une région particulièrement vulnérable, soulignant les risques accrus posés par le changement climatique.
Le nucléaire, une arme et une cible potentielle ?
Le nucléaire présente également des risques de sécurité. Les matières radioactives peuvent être utilisées pour fabriquer des bombes sales (bombe entourée de matériaux radioactifs, destinés à être répandus en poussière lors de l'explosion, dont le seul but est de contaminer la zone autour de l’explosion) ou causer des accidents radiologiques.
En outre, le nucléaire génère des déchets très polluants pour l'environnement. Des centaines de milliers de tonnes de matières radioactives sont stockées et transportées partout en France, souvent près de zones urbaines.
Le nucléaire : un investissement contre-productif ?
Aujourd’hui, le coût du nucléaire augmente, avec des dépenses liées aux déchets, au démantèlement, aux réparations et aux mises aux normes. Cet argent pourrait être investi dans la transition énergétique. Bien que le nucléaire ne soit pas à bannir immédiatement, baser entièrement notre production électrique sur cette source serait une erreur. Un mix énergétique équilibré, incluant à la fois des sources renouvelables et nucléaires, est essentiel pour une transition énergétique durable.
Et les Français dans tout ça, pour ou contre les énergies renouvelables ?
Chez Tuco, nous avons récemment mené une étude avec Odoxa sur le l'opinion des Français sur le photovoltaïque. L'une des première constations que nous avons pu faire est que l'énergie solaire suscite bel et bien l'engouement des Français. En effet, d'après ce sondage, 87% des Français auraient une opinion positive de l'énergie solaire, 67% sont favorables à l'éolien 67% et 59% au nucléaire. L'énergie solaire, qui représente aujourd'hui 8% de la production d'énergies renouvelables en France selon le dernier bilan électrique de la RTE, est donc perçue par les Français comme une solution propre et durable. Un élément crucial dans le contexte actuel de lutte contre le réchauffement climatique. L'éolien n'est quant à lui pas en reste, puisqu'il est devant le nucléaire en termes de préférence des Français. De quoi apporter des nuances au discours de l'extrême droite, qui veut nous faire croire que les Français sont majoritairement favorables au nucléaire.
Alors, le discours du Rassemblement national sur les énergies renouvelables : info ou intox ?
Marine Le Pen soulève des points valides concernant les défis des énergies renouvelables, mais elle utilise des raccourcis et omet des informations cruciales pour servir un discours populiste. Il est vrai que les énergies renouvelables ne sont pas exemptes d'impact environnemental et que leur intermittence pose des défis. Cependant, arrêter leur développement n'est pas la solution. Il faut plutôt encourager l'innovation dans les technologies de stockage et améliorer les méthodes de production pour minimiser leur impact. Un mix énergétique équilibré, intégrant à la fois des sources renouvelables et nucléaires, tout en favorisant la recherche et le développement des énergies renouvelables, semble être la voie la plus pragmatique pour une transition énergétique durable.
Questions/réponses sur Marine Le Pen et les énergies renouvelables :
Quelles sont les 5 énergies renouvelables ?
Les cinq principales sources d'énergies renouvelables sont :
1. Énergie solaire : utilise la lumière du soleil pour produire de l'électricité via des panneaux photovoltaïques ou pour générer de la chaleur à travers des systèmes thermiques solaires.
2. Énergie éolienne : exploite la force du vent pour faire tourner des éoliennes qui génèrent de l'électricité.
3. Énergie hydraulique (ou hydroélectricité) : utilise le mouvement de l'eau, généralement via des barrages, pour produire de l'électricité.
4. Énergie biomasse : produit de l'énergie en brûlant des matières organiques telles que le bois, les déchets agricoles, et autres matières végétales, ou en transformant ces matières en biocarburants.
5. Énergie géothermique : exploite la chaleur provenant de l'intérieur de la Terre pour produire de l'électricité ou pour le chauffage direct.
Quel est le niveau d'étude de Marine Le Pen ?
Marine Le Pen, de son nom complet Marion Anne Perrine Le Pen, a suivi un parcours académique orienté vers le droit. En 1986, elle obtient son baccalauréat, marquant la fin de ses études secondaires. Elle intègre ensuite l'Université Paris II Panthéon-Assas, où elle poursuit des études de droit et obtient une licence en droit, puis une maîtrise en droit. Elle achève son parcours universitaire avec un DEA (Diplôme d'Études Approfondies) en droit pénal, équivalent à un Master 2 dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat). Après l'obtention de son DEA, Marine Le Pen exerce la profession d'avocate, inscrite au barreau de Paris de 1992 à 1998. Ce parcours montre une spécialisation approfondie en droit, en particulier en droit pénal.
Sources :
- Greenpeace, “Quel est l’impact environnemental des panneaux solaires”.
- ADEME, “Empreinte carbone des énergies renouvelables”.
- Les Echos, “Le recyclage des éoliennes en France : mythe ou réalité ?”.
- UCLouvain, “Piscines nucléaires : gare à l’évaporation”.
- Youmatter, “Énergie renouvelable : une solution viable ou un problème ?”.