Michel Barnier, en déplacement dans le Rhône vendredi 25 octobre 2024 a annoncé le tant attendu, troisième plan d'adaptation au changement climatique. Comme son nom l'indique, il s'agit du troisième volet de cette démarche, lancé pour la première fois en 2011. Avec ce troisième plan d'adaptation, la France entend bien préparer sa population à vivre dans un monde à +4°C, estimation annoncée par les experts du GIEC. Aujourd'hui, Tuco analyse pour vous ce troisième plan d'adaptation et vous explique en quoi il est inédit par rapport aux précédents.
Le premier plan d'adaptation national au changement climatique
Le premier plan d'adaptation au changement climatique avait été présenté le 20 juillet 2011 par la ministre de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Il avait pour objectif de présenter des mesures concrètes et opérationnelles pour préparer la France à faire face aux nouvelles conditions climatiques. Ce premier plan avait été construit autour de vingt thématiques regroupant 84 actions déclinées en 242 mesures et reposait sur des leviers étatiques tels que : l'adoption de lois et de dispositions réglementaires, la création d 'outils de planification et méthodologiques ainsi que l'amélioration des dispositifs d'observation et le partage des analyses. Ce premier plan d'adaptation avait notamment permis de diffuser largement et gratuitement sur le portail DRIAS des connaissances sur les évolutions climatiques attendues en France, permettant ainsi une prise de conscience de la population sur les enjeux climatiques. Sur le plan opérationnel, il avait également aider à adapter certains secteurs d'activité économique au changement climatique, comme les installations nucléaires ou encore les infrastructures de transport. Cependant, si ce premier plan d'adaptation avait été jugé satisfaisant, plusieurs points devaient être améliorés comme par exemple la nécessité de créer un programme de recherche associant le CEREMA et l'ADEME, plus de mesures sur la gestion des ressources en eau disponibles, de véritables solutions pour adapter des zones littorales et de leurs activités économiques au changement climatique - et non pas de simples expérimentations comme le proposait le premier PNACC et enfin, une meilleure adaptation des villes et de l'espace public face aux épisodes de canicules et de sécheresse futurs. Ce premier plan d'adaptation, certes satisfaisant, mais qui montrait encore des axes d'amélioration, donnerait donc lieu quatre ans plus tard au second plan d'adaptation national au changement climatique (PNACC).
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Le second plan d'adaptation national au changement climatique
Ce second plan d'adaptation au changement climatique intervient après la COP21, ou 21e Conférence de Paris, qui avait alors permis d'aboutir à un accord inédit sur le climat applicable à tous les pays, en visant à maintenir le réchauffement mondial à 1,5°-2°C, par rapport aux niveaux préindustriels.
Ce deuxième plan d'adaptation au changement climatique affichait plusieurs améliorations par rapport au premier, notamment un meilleur traitement du lien entre différentes échelles territoriales, le renforcement de l'articulation avec l'international et la promotion des solutions fondées sur la nature.
Le troisième plan d'adaptation national au changement climatique
Annoncé par Michel Barnier le 25 octobre 2024, ce nouveau plan national d'adaptation rend systématique l'application de la stratégie d'adaptation dans toutes les politiques publiques : santé, économie, agriculture, biodiversité, éducation, travail, biodiversité, éducation, travail, urbanisme, logement, transports, culture... Autant de secteurs qui doivent dès à présent s'adapter à évoluer dans un monde à +4°C : travailler à +4°C, se déplacer à +4°C, habiter la France à +4°C.
Un plan d'adaptation inédit : l'adoption de la trajectoire de référence
C'est une première ! Le nouveau plan d'adaptation repose désormais sur une trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC).
Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?
La TRACC est en faite un scénario tendanciel réalisé par le GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat). En France hexagonale, ce scénario prévoit une hausse des températures moyennes de 2°C en 2030, 2,7°C en 2050 et de 4°C en 2100. Ainsi, en reposant sa stratégie sur des données scientifiques, on peut déjà envisager que le PNACC 3 gagnera en précision et en efficacité par rapport aux deux volets antérieurs.
La trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique (TRACC).
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Le PNACC 3 : 5 grands axes et 51 mesures
Les 5 axes du PNACC 3
Ce troisième plan d'adaptation s'articule autour de cinq grands axes, qui sont pour ainsi dire, ses cinq principaux objectifs :
- Protéger les populations.
- Assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels.
- Adapter les activités humaines.
- Protéger notre patrimoine naturel et culturel.
- Mobiliser les forces vives de la nation.
Les 51 mesures du PNACC 3
Le PNACC 3 comprend 51 mesures pour apporter des solutions concrètes aux Français, aux collectivités, au monde économique et au monde du vivant. Parmi celles-ci, Tuco vous résume six des principales mesures adoptées.
Renforcement du Fonds Barnier - MESURE 1.
Le Fonds Barnier, créé en 1995 pour financer des projets de prévention des risques climatiques, voit son rôle accru dans le PNACC 2024. Entre 2009 et 2020, ce fonds a soutenu près de 700 projets annuels pour un montant de 170 millions d'euros en moyenne, atteignant plus de 2 milliards d'euros au total, selon la Caisse centrale de réassurance. Dès 2025, le gouvernement prévoit de le renforcer avec 75 millions d'euros supplémentaires, portant son budget à 300 millions d’euros, pour aider les collectivités à anticiper et prévenir des risques climatiques tels que les inondations.
Maintenir des assurances abordables - MESURE 2.
Le gouvernement souhaite encourager les assureurs à maintenir des tarifs abordables pour couvrir les risques climatiques sur tout le territoire, en réponse aux catastrophes naturelles croissantes. Pour garantir une transparence accrue sur les évolutions tarifaires, un 'observatoire de l'assurance des risques climatiques' sera créé, permettant une meilleure compréhension des coûts pour les citoyens et les entreprises.
Agriculture : vers une agriculture résiliente et durable - MESURE 37.
Face aux défis climatiques, le secteur agricole doit se réinventer. Le plan encourage des pratiques agricoles durables, comme l'agroforesterie, la rotation des cultures et le développement de variétés résistantes à la sécheresse. Ces initiatives visent à réduire la dépendance des exploitations aux intrants externes tout en augmentant leur résilience face aux conditions extrêmes.
Adapter les logements aux épisodes de chaleur - MESURE 9.
Face aux canicules de plus en plus fréquentes, les 'règles et programmes de rénovation' des bâtiments seront revus pour inclure des solutions de confort thermique, surtout en période estivale. Cela inclut des aides pour adapter les logements en rénovation afin de les rendre résilients face aux vagues de chaleur, assurant ainsi un habitat confortable et économe en énergie.
Préserver les sites culturels emblématiques - MESURE 43.
Le patrimoine culturel français est également menacé par les effets du changement climatique. En 2025, une analyse de la vulnérabilité de dix sites emblématiques, dont la Tour Eiffel et le Mont-Saint-Michel, sera initiée pour expérimenter des solutions d'adaptation. Ce programme a pour objectif de protéger cet héritage en anticipant les risques et en renforçant les infrastructures.
Informer et sensibiliser la population aux risques climatiques - MESURE 3 et 7
D’ici 2027, une carte nationale des risques naturels, incluant incendies, inondations et submersions marines, sera élaborée pour permettre à tous d'accéder à des informations précises sur les menaces actuelles et futures. Cet outil vise à mieux préparer les citoyens aux aléas climatiques et à renforcer la sensibilisation face à l'impact des changements en cours.
Listing des 51 mesures du PNACC 3 :
Mesure 1. Renforcer le fonds Barnier pour accélérer les démarches de prévention des territoires et mieux protéger la population
Mesure 2. Maintenir la possibilité pour chacun de s’assurer
contre les risques naturels en modernisant notre système assurantiel.
Mesure 3. Protéger la population des inondations en adaptant
la politique de prévention des risques.
Mesure 4. Protéger la population des conséquences du recul du trait de côte
en repensant l’aménagement des territoires exposés.
Mesure 5. Protéger la population des désordres sur les bâtiments
liés au retrait-gonflement des argiles (RGA).
Mesure 6. Protéger la population des risques glaciaires et périglaciaires (ROGP).
Mesure 7. Se préparer à l’augmentation attendue des incendies de forêt et de végétation.
Mesure 8. Préparer la Sécurité Civile à l’augmentation des risques naturels.
Mesure 9. Adapter les logements au risque de forte chaleur.
Mesure 10. Déployer à grande échelle les technologies de froid renouvelable.
Mesure 11. Adapter les conditions de travail au changement climatique
en renforçant les obligations de prévention des employeurs.
Mesure 12. Intégrer les enjeux d’adaptation au changement climatique
dans l’ensemble des rénovations du parc immobilier de l’Etat.
Mesure 13. Renaturer les villes pour améliorer leur résilience face au changement climatique.
Mesure 14. Protéger les populations précaires des fortes chaleurs.
Mesure 15. Protéger les détenus et les personnels pénitentiaires des fortes chaleurs.
Mesure 16. Développer l’approche « Une seule santé » pour la prévention des risques sanitaires
liés au changement climatique.
Mesure 17. Renforcer la surveillance et la connaissance des impacts
du changement climatique sur la santé.
Mesure 18. Maintenir la qualité de l’air extérieur lors des vagues de chaleur.
Mesure 19. Intégrer les enjeux de l’adaptation au changement climatique
dans la prévention des risques technologiques.
Mesure 20. Déployer les solutions d’adaptation fondées sur la nature.
Mesure 21. Préserver la ressource en eau face au changement climatique : renforcer le Plan Eau.
Mesure 22. Mettre à disposition des collectivités territoriales
les informations nécessaires pour leur adaptation au changement climatique.
Mesure 23. Intégrer progressivement la trajectoire de réchauffement de référence
dans tous les documents de planification publique.
Mesure 24. Intégrer les enjeux de l’adaptation au changement climatique
dans toutes les normes techniques.
Mesure 25. Lancer la « Mission Adaptation », guichet unique d’ingénierie
de l’adaptation à destination des collectivités locales.
Mesure 26. Mieux évaluer les actions d’adaptation menées sur le territoire.
Mesure 27. Mieux prendre en compte l’adaptation au changement climatique
dans les financements publics en faveur de la transition écologique dès 2024. Mesure 28. Assurer la continuité de l’enseignement scolaire et de l’accueil des jeunes enfants
face au réchauffement climatique.
Mesure 29. Anticiper les conséquences du changement climatique sur notre système de santé.
Mesure 30. Assurer la résilience des transports et des mobilités.
Mesure 31. Assurer la résilience du système énergétique.
Mesure 32. Assurer la résilience des services de communication électronique.
Mesure 33. Mobiliser tous les secteurs économiques : intégrer l’adaptation au changement climatique dans les stratégies des entreprises.
Mesure 34. Intégrer les enjeux de l’adaptation dans les dispositifs d’aide aux entreprises.
Mesure 35. Accompagner l’adaptation du tourisme culturel, de montagne, littoral et nautique.
Mesure 36. Développer les connaissances, former et anticiper les conséquences du changement
climatique dans le secteur agricole et l’industrie agro-alimentaire.
Mesure 37. Accompagner les exploitations agricoles, les filières et l’industrie agro-alimentaire face aux aléas climatiques et engager la transition vers des modèles résilients et bas carbone.
Mesure 38. Assurer la résilience de l’économie de la filière bois.
Mesure 39. Accompagner la pêche et l’aquaculture marine face au changement climatique.
Mesure 40. Mieux évaluer les actions d’adaptation mises en œuvre par les entreprises.
Mesure 41. Développer les outils et informations nécessaires aux entreprises
pour s’adapter au changement climatique.
Mesure 42. Favoriser l’adaptation et la résilience des milieux naturels
et des espèces au changement climatique.
Mesure 43. Protéger notre patrimoine naturel et culture des impacts du changement climatique
Mesure 44. Mobiliser la commande publique au service de l’adaptation au changement climatique.
Mesure 45. Mobiliser la recherche et les connaissances scientifiques sur le changement climatique et les solutions pour s’y adapter.
Mesure 46. Renforcer la gouvernance de l’adaptation au changement climatique.
Mesure 47. Mobiliser 10 000 jeunes en service civique écologique dans des missions
liées à l’adaptation au changement climatique.
Mesure 48. Poursuivre et renforcer l’éducation au climat dans l’enseignement scolaire et introduire l’adaptation dans les cursus de l’enseignement supérieur.
Mesure 49. Former tous les agents publics aux enjeux de l’adaptation et mobiliser les compétences de l’État.
Mesure 50. Mobiliser les solutions d’intelligence artificielle au service de l’adaptation au changement climatique.
Mesure 51. Mobiliser les Français sur l'importance du sujet et ses bénéfices à court et moyen termes via le déploiement d’une communication pédagogique adaptée et la création d’une semaine de mobilisation annuelle de l’adaptation.
Conclusion : une mobilisation nécessaire face à l’urgence climatique
Le PNACC 2024 marque un tournant dans la politique climatique de la France, affirmant une ambition claire : non seulement réduire l’impact du réchauffement climatique, mais aussi protéger activement les citoyens et les écosystèmes. En conjuguant pragmatisme et innovation, le PNACC appelle chaque acteur, public ou privé, à se mobiliser pour construire une France plus résiliente. Ce plan d'adaptation est une occasion unique de transformer nos modes de vie et de production, pour un avenir où la sécurité climatique est une priorité absolue.
Foire aux questions
Qu'est-ce qu'un plan d'adaptation ?
Un plan d'adaptation au changement climatique constitue une stratégie globale visant à réduire la vulnérabilité d'un territoire face aux impacts du réchauffement. Il identifie les risques spécifiques et propose des actions concrètes pour renforcer la résilience des écosystèmes et des populations.
Ces plans intègrent généralement :
- Des analyses de vulnérabilité par secteur
- Des mesures d'adaptation pour l'agriculture, l'urbanisme et la santé
- Des systèmes d'alerte précoce pour les phénomènes météorologiques extrêmes
L'objectif est d'anticiper les changements à venir et d'ajuster les politiques publiques en conséquence. Un plan d'adaptation efficace implique une collaboration étroite entre scientifiques, décideurs et citoyens pour mettre en œuvre des solutions durables et innovantes.
Quelles sont les mesures d'adaptation aux changements climatiques ?
Les mesures d'adaptation se déclinent dans divers domaines. Dans l'agriculture, on observe la mise en place de systèmes d'irrigation goutte-à-goutte et l'introduction de variétés de cultures résistantes à la sécheresse.
Le secteur du bâtiment intègre désormais des matériaux réfléchissants et des toits végétalisés pour atténuer les îlots de chaleur urbains.
En matière d'infrastructures, la construction de digues submersibles et le renforcement des réseaux électriques souterrains visent à prévenir les dommages liés aux inondations.
La santé publique s'adapte avec la création de 'refuges climatisés' dans les villes et le renforcement des systèmes d'alerte précoce pour les vagues de chaleur. Ces actions concrètes illustrent l'approche multisectorielle adoptée pour renforcer la résilience face aux changements climatiques.
Quels sont les 4 objectifs de l'adaptation en France ?
Le PNACC 2024 définit quatre objectifs majeurs pour renforcer la résilience de la France face au changement climatique :
Protéger la population des impacts directs, notamment en améliorant la gestion des crises et en adaptant les infrastructures urbaines.
Assurer la continuité des services essentiels comme l'eau, l'énergie et les transports lors d'événements climatiques extrêmes.
Préserver les écosystèmes et la biodiversité, par exemple en créant des corridors écologiques et en restaurant les zones humides.
Adapter l'économie aux nouvelles conditions climatiques, en soutenant la transition des secteurs agricole, touristique et industriel.
Ces objectifs s'accompagnent d'un budget de 3,8 milliards d'euros sur 5 ans et d'indicateurs de suivi pour évaluer leur mise en œuvre.