Le 20 mai 2022, la composition du gouvernement Borne était révélée. Le président de la République a choisi d’opérer des changements majeurs par rapport à son mandat précédent, avec une équipe resserrée. En choisissant Elisabeth Borne comme première ministre, ingénieure diplômée de Polytechnique et de l’Ecole nationale des ponts et chaussées et ancienne ministre de la Transition Ecologique, Emmanuel Macron a choisi d’envoyer un signal fort : le changement climatique sera au cœur de la politique nationale. Une politique rationnelle, menée par une femme avec un profil plus technique que politique.
Une Première ministre en charge de la planification écologique
Emmanuel Macron s'est engagé à faire du changement climatique un enjeu de tous les ministères, en confiant cette responsabilité au premier ministre. Le président réélu a choisi de créer un secrétariat général en charge de la planification, sous l’autorité de la première ministre Elisabeth Borne. A la tête de ce nouveau secrétariat, nous retrouvons Antoine Pellion, passé sous les radars médiatiques, qui évolue pourtant depuis 7 ans dans le monde politique. Ingénieur des Mines, il est devenu conseiller environnement, énergie et transport du président Emmanuel Macron au lendemain de son élection en 2017 avant de devenir chef du pôle Environnement, Agriculture, Transports, Logement, Energie et Mer au cabinet du premier ministre sous le gouvernement Castex.
Chaque ministère a comme mission de construire sa propre feuille de route afin d’appliquer la stratégie écologique nationale dans chaque secteur. Le secrétariat général d’Antoine Pellion aura pour objectif de s’assurer de l’exécution de ces mesures et de l’appréciation de leur efficacité. Il coordonne la planification écologique à grande échelle sous l’autorité de la première ministre, soutenue par deux ministères que Emmanuel Macron voulait « forts », à savoir : le ministère de la Transition Ecologique et le nouveau ministère de la Transition Energétique.
Jeudi 2 juin étaient publiés au journal officiel les décrets précisant le périmètre d’action de chaque ministère et, avec eux, les missions de Amélie de Montchalin et Agnès Pannier-Runacher, respectivement ministre de la Transition Ecologique et de la cohésion des territoires et ministre de la Transition Energétique. Un découpage très attendu après la décision du gouvernement d’isoler la politique énergétique du ministère en charge de l’environnement.
Le Ministère de la Transition Ecologique
Amélie de Montchalin, nommée au poste de ministre de la Transition Ecologique le 20 mai dernier, est une marcheuse confirmée. Diplômée d’HEC, l’économiste rejoint le mouvement La République en Marche en 2016 et remporte la circonscription de l’Essonne en 2017 comme premier mandat. Elle devient ensuite vice-présidente du groupe LREM, après avoir cédé la présidence à Gilles Le Gendre en 2018. Elle rejoint le gouvernement en 2019, en tant que secrétaire d’Etat chargée des affaires européennes auprès de Bruno Le Maire en plein Brexit et est ensuite nommée ministre de la Transformation et de la fonction publique au sein du gouvernement Castex.
Son ministère, renommé ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires, est chargé du développement durable et de l’environnement. Il coordonne, avec le ministère de l’Intérieur, la politique de cohésion des territoires, avec Christophe Béchu en tant que ministre délégué. Les secteurs des transports et du logement sont également dans le périmètre d’action de la nouvelle ministre de la Transition Ecologique. Là encore, le gouvernement Borne montre sa volonté de faire de la sobriété énergétique son principal objectif, en confiant deux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre (respectivement 29% et 12,5%) au ministère en charge de l’environnement.
Le ministère de la Transition Energétique
Agnès Pannier-Runacher a été nommée ministre de la Transition Energétique dans le gouvernement Borne. Ayant poursuivi des études de Sciences politiques, elle est diplômée d’HEC et de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Elle devient Directrice adjointe de la Caisse des dépôts en 2006 et intègre le gouvernement en 2018 en tant que secrétaire d’Etat auprès de Bruno LeMaire. Elle sera par la suite nommée ministre déléguée chargée de l’Industrie en 2020.
Le tout nouveau ministère de la Transition Energétique est chargé de la politique énergétique, avec le développement des énergies renouvelables, et de la politique des matières premières et des mines. A la surprise générale, Emmanuel Macron lui confie également la sécurité nucléaire, historiquement confiée au ministère en charge de l’environnement. Bien que les secteurs des transports et du logement soient explicitement confiés au Ministère de la Transition Ecologique, Agnès Pannier-Runacher coordonne la décarbonation du secteur routier, responsable à lui seul de 28% des émissions totales, ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments. Deux secteurs capitaux dont le partage des actions entre les deux ministères nécessitera des clarifications au fil de l’eau.
La sobriété énergétique : un enjeu majeur pour les deux ministères
Ce découpage soulève beaucoup de questions auprès des professionnels de la rénovation énergétique. Le logement a explicitement été confié à Amélie de Montchalin, avec pour mission la “[mise] en œuvre [de] la politique du Gouvernement dans le domaine du logement et de la construction ainsi que dans le domaine de la lutte contre la précarité et l’exclusion”. Néanmoins, dans le partage des administrations centrales, la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) a été confiée au Ministère de la Transition Energétique : il s’agit de l’administration en charge, entre autres choses, du pilotage du dispositif des Certificats d’Economie d’Energie ou prime CEE, le deuxième dispositif de financement de la rénovation énergétique. Bien que le décret du 6 août 2021 ajoute le ministère chargé de l’énergie à la liste des ministères de tutelle de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui pilote le dispositif MaPrimeRénov’, ce découpage ajoute de la complexité administrative. Nous pouvons craindre un ralentissement dans les prises de décision, alors que le secteur est en berne depuis la fin du Coup de pouce isolation (CEE) en juillet 2021.
Pourtant, l’enjeu est de taille : au-delà de l’objectif neutralité carbone à horizon 2050, la crise ukrainienne met à rude épreuve le pouvoir d’achat des Français. Malgré la mise en place d’un bouclier tarifaire depuis l’automne 2021, qui limite la hausse du prix de l’électricité à 4%, la facture énergétique des ménages pèse de plus en plus lourd sur leur budget. C’est surtout le cas pour les occupants des passoires thermiques, encore au nombre de 4,8 millions*. Amélie de Montachlin a récemment déclaré vouloir faire de ce chantier une ses priorités, en s’appuyant sur le dispositif MaPrimeRénov’ pour éradiquer en cinq ans ces passoires thermiques. Des propos qui ont fait réagir les acteurs de la filière, au regard d’un marché des CEE en difficulté, avec un prix du spot classique à 5,87€/MWh cumac en mai 2022 sur la plateforme Emmy.
Un découpage des périmètres d’action qui soulève des inquiétudes
Disparition du ministère en charge du logement, une ministre chargée de la politique de l’énergie, un découpage des périmètres d’action qui soulève des inquiétudes... les doutes des acteurs du bâtiment accompagnent les débuts du gouvernement Borne. Même si certains doutes persistent, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne affichent clairement leur volonté de mener une politique nationale, avant tout orientée par la lutte contre le changement climatique.
* selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), ou 8 millions selon le nouveau DPE (Diagnostic de Performance Energétique)