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En parallèle d’un sommet du Conseil européen qui avait lieu ce vendredi 21 octobre 2022, Emmanuel Macron a annoncé lors d’une conférence de presse que la France allait se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Qu’est-ce que ce traité ? Pourquoi la France a-t-elle décidé de le quitter ? Qu’est-ce que cela va changer concrètement ? C’est ce que Tuco vous propose de découvrir dans cet article.
Le Traité sur la charte de l’énergie vise initialement à soutenir la coopération entre les pays signataires sur tous les plans de leurs activités énergétiques (commerce, transit, investissements…). Il rassemblait jusqu’ici une cinquantaine d’États membres et d’organisations régionales, dont l’Union Européenne. Juridiquement contraignant, le TCE permet ainsi à toute entreprise exploitant des énergies fossiles d’engager des poursuites devant des tribunaux internationaux et de demander des dédommagements à un État dont la politique énergétique ou environnementale pourrait affecter ses profits.
Adopté en 1994 et appliqué à partir de 1998, ce traité est né dans un contexte de fin de la guerre froide, quelque temps après la disparition de l’Union soviétique. À l’époque, il visait notamment à faciliter l’intégration de gaz, de pétrole et de charbon en provenance de l’ex-URSS sur le marché mondial de l’énergie. En parallèle, il permettait ainsi à certains pays de sécuriser leur approvisionnement en gaz et en pétrole. On parle ici d’une époque où les problématiques environnementales n’étaient clairement pas une priorité dans les politiques des différents États membres.
Oui, les violations du traité ont déjà fait l’objet de sentences des tribunaux d’arbitrages privés. Ainsi, l’Italie a été condamnée cette année à verser 240 millions d’euros à une multinationale pétrolière et gazière britannique. Le pays avait voté l’interdiction de toute nouvelle activité d’exploration et de production à moins de 22 km de ses côtes. Autre exemple, avec l’adoption d’une loi bannissant le charbon d’ici à 2030, les Pays-Bas se sont vus réclamer 1,4 milliard d’euros par des sociétés du secteur.
Dans son discours, le président de la République, Emmanuel Macron, a souligné que ‘dans le moment que nous vivons, nous devons plutôt concentrer nos investissements et aller plus vite sur les renouvelables, l’efficacité énergétique, le nucléaire’ avant d’ajouter : ‘aujourd’hui, je regarde avec inquiétude revenir les hydrocarbures et les énergies fossiles les plus polluantes’. De manière générale, le Traité sur la charte de l’énergie est jugé trop protecteur des énergies fossiles et il est de ce fait incompatible avec les politiques climatiques actuelles. Il était donc très critiqué par de nombreuses associations, des instances et des organisations, comme le GIEC (Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ou le Haut Conseil du climat (HCC).
Quelques jours avant l’annonce du Président de la République, un communiqué publié par le Haut Conseil pour le Climat indiquait que la multiplication de ‘contentieux induits par le mécanisme de règlement des différends du TCE peuvent constituer une entrave pour les États dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques de décarbonation’. En d’autres termes, pour le HCC, le traité entraîne aujourd’hui une perte de souveraineté pour les pays, qui risque de limiter l’ambition des États dans la mise en œuvre de leurs politiques énergétiques et climatiques.
Accord de Paris, loi Climat et résilience, plan de sobriété énergétique… Ces dernières années, la France est entrée dans la lutte contre le dérèglement climatique par différents engagements, dont voici quelques exemples.
Non, avant elle, plusieurs États membres de l’Union européenne se sont retirés du TCE, comme l’Italie, en 2015. À l’heure actuelle, plusieurs pays européens, comme les Pays-Bas, la Pologne ou encore l’Espagne, ont également lancé des procédures parlementaires leur permettant d’abandonner ce traité. Par ailleurs, il est à noter que la Russie l’avait aussi quitté en 2009.
Si la France sort effectivement de ce traité aujourd’hui, un point important reste à aborder. En effet, le TCE est censé s’appliquer encore 20 ans après le retrait du pays membre. En clair, le texte dispose d’une clause qui permet de continuer à apporter des garanties aux investisseurs d’énergies fossiles bien au-delà de la date du retrait. C’est pour cette raison que, toujours d’après le Haut Conseil pour le Climat, ‘un retrait coordonné du TCE de la part de la France et de l’UE, couplé à une neutralisation de sa ‘ clause de survie ‘, apparaît comme étant l’option la moins risquée pour respecter les engagements nationaux, européens et internationaux sur le climat’.
D’après un sondage réalisé par le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) et l’IFOP, 87 % des Français jugent utile d’amplifier le développement des énergies renouvelables pour lutter contre le réchauffement climatique. L’édition 2022 des chiffres clés des énergies renouvelables montre d’ailleurs une progression continue de la part des énergies renouvelables dans la production et la consommation. À ce titre, 49 % de la consommation d’énergie renouvelable thermique provient du secteur résidentiel.
Cette consommation est notamment permise grâce au déploiement d’équipements de chaleur utilisant une énergie renouvelable qui connaissent un réel essor auprès des particuliers : chaudières à granulés de bois, pompes à chaleur, géothermie, solaire… Pour atteindre les objectifs à hauteur de son ambition, la France peut donc déjà s’appuyer sur l’engouement des citoyens en faveur des énergies renouvelables.