Le sixième rapport du GIEC (Groupe d’experts International sur l’Evolution du Climat) est sans appel : sans une diminution nette de nos émissions carbones d’ici 2025, nous dépasserons le seuil des +1,5°C. Le secteur du bâtiment représente 21% des émissions de gaz à effet de serre, dont la majorité provient de la consommation énergétique. Massifier la rénovation énergétique des bâtiments, c’était l’objectif en 2020 avec le lancement du dispositif MaPrimeRénov’ et ce fut un succès : 752 000 logements rénovés en 2021, avec un objectif initial fixé à 500 000. Cela représente plus de 2 milliards d’euros qui ont été mobilisés et une enveloppe similaire est annoncée pour 2022. C’est sur cette note positive qu’a démarré le 1er janvier 2022, la cinquième période du dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE).
Le marché CEE en déclin
Le dispositif CEE. est un mécanisme qui oblige les fournisseurs d’énergie (fioul, gaz, électricité) à financer des opérations de rénovation énergétique proportionnellement à leurs volumes de fourniture d’énergie. Chaque opération financée est ensuite valorisée sous forme de CEE, un CEE représentant 1 kWh cumac d’économies d’énergie.
Les fournisseurs, aussi appelés « obligés », doivent avoir acquis un certain nombre de CEE à la fin de chaque période ou payer une compensation. Un moyen très simple, en théorie, de mobiliser les fonds privés pour financer la rénovation énergétique des bâtiments.
Les CEE s’échangent ensuite sur une plateforme, qui publie tous les mois les volumes de CEE échangés et permet ainsi de calculer un prix moyen. Les acteurs du dispositif fixent le montant des primes versées aux bénéficiaires en prenant en compte le prix auquel ils pourront revendre leurs CEE.
Pour cette nouvelle période, débutée le 1er janvier et qui prendra fin le 31 décembre 2025, le gouvernement a fixé l’obligation globale à 2 500 TWh cumac. Soit une augmentation de 17% par rapport à la quatrième période. Les acteurs du marché ont manifesté leur inquiétude face à cette annonce. La dynamique sur le marché de la rénovation ne perdurera que si le marché du CEE reste compétitif. Avec une obligation insuffisante, combinée à un effet “stock” dû à l’atteinte de l’objectif précédent six mois avant la fin de la période, les obligés n’auront aucun mal à couvrir leur besoin en CEE. Les acteurs craignaient une diminution du prix des CEE.
Constatée au cours du dernier semestre 2021, cette diminution peut être expliquée par cet effet stock. Afin de ralentir la production et, à terme, faire remonter les prix, l’État a mis en place une série de mesures, dont la fin du coup de pouce isolation en juillet 2021 et la refonte du coup de pouce chauffage à partir du 1er avril 2022.
La fin du coup de pouce chauffage
Une opération dite « coup de pouce » est une simplification temporaire du calcul de la prime CEE pour une opération d’économies d’énergie. En 2018, l’État a mis en place deux coups de pouce : le premier sur des gestes d’isolation et le deuxième sur le remplacement d’une chaudière fioul ou gaz par un équipement de chauffage moins énergivore, pompe à chaleur ou chaudière biomasse. Ces dispositifs ont par exemple permis aux ménages de faire isoler leurs combles pour 1€, ce qui a considérablement boosté le marché. Malgré les quelques effets néfastes dus à un reste à charge nul, les coups de pouce ont rencontré un franc succès : 25% des CEE engagés sur la P4 sont issus du coup de pouce isolation et 16% sont issus du coup de pouce chauffage.
Depuis le 1er avril, le volume de CEE lié à une opération coup de pouce chauffage a été diminué, sans pour autant que les montants minimums de prime aient été mis à jour. Combiné à un prix du CEE historiquement bas en mars 2022, le coup de pouce chauffage a cessé d’être une opération rentable pour les acteurs. Conséquence : la plupart des signataires de la charte Coup de pouce chauffage ont été contraint de retirer leur offre. Coup dur pour la filière.
La Russie étant le premier fournisseur de pétrole brut et de gaz naturel de l'UE, la situation géopolitique a remis sur le devant de la scène la question de l'indépendance énergétique de l'UE. Le gouvernement a ainsi élaboré un plan de résilience économique et social pour limiter l’impact du conflit entre la Russie et l’Ukraine sur les consommateurs français.
Parmi ces mesures : les montants MaPrimeRénov’ pour l’installation d’une PAC air/eau ou d’une chaudière biomasse en remplacement d’une chaudière fioul ou gaz ont été augmenté de 1000€. Une nouvelle qui a été saluée par l’ensemble de la filière : couplée au coup de pouce chauffage, les aides pour l’installation de pompe à chaleur pouvaient monter jusqu’à 9 000 € pour les ménages les plus modestes. Avec l’arrêt du coup de pouce, cette décision n’aura finalement pas l’effet escompté.
Une nouvelle dynamique
En réponse, la filière se mobilise depuis plusieurs semaines pour demander l’augmentation de l’obligation globale de 500 TWh cumac. Une requête qui pourrait finalement être approuvée par le gouvernement d’ici 2023, avec la révision de la Directive européenne sur l’efficacité énergétique prévue en juin 2022. L’ambition de la Commission européenne est de réduire d’au moins 55% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Cet objectif se retrouve dans la politique française.
Le gouvernement mise aujourd’hui sur la rénovation performante, beaucoup plus efficace que les opérations par geste. Pour cela il a mis en place deux dispositifs de financement : le coup de pouce Rénovation performante du côté des CEE, et MaPrimeRénov’ Sérénité. Le montant des primes sur les bouquets de travaux permettant d’atteindre un gain énergétique de 55%, pourrait engager le marché sur une dynamique nouvelle. Une dynamique qui ne pouvait pas s’établir avec le niveau des précédentes incitations sur les opérations par geste.
La diminution des forfaits CEE sur les opérations les plus plébiscitées mènera à une diminution de la production et, à terme, à l’augmentation des primes. Nous faisons face aujourd’hui aux effets de court terme des décisions prises en 2021. L’année 2022 sera peut-être une année blanche pour les CEE mais une nouvelle dynamique émergera autours de la rénovation performante.